
Article élaboré à partir de mon livre » Freud et la question de l’angoisse « , 3ème édition, De Boeck, 2008.
Bien qu’actuellement l’idée d’une sexualité infantile semble être entrée dans les moeurs, et bien que tout « psy » prétende connaître « par cœur » le développement libidinal de l’enfant, il s’agit d’être prudent devant de telles certitudes.
Le simple fait que la sexualité la plus primaire — et l’agressivité —s’infiltre dans de nombreuses conduites actuelles trahit précisément son refoulement massif. Autrement dit, c’est parce qu’elle se manifeste — la sexualité — au travers de symptôme qu’elle reste en réalité occultée contrairement aux idées reçues qui voudraient que cette activité psychique fondamentale soit définitivement acceptée par la majorité de la population.
Je ne citerais que trois exemples pour illustrer cette symptomatologie contemporaine :
1/ l’activité frénétique et masturbatoire des enfants des pays riches devant leurs consoles de jeux informatiques ;
2/ l’évacuation de plus en plus flagrante de la dimension sexuelle du sujet dans le domaine florissant des psychothérapies (sont-elles justement florissantes parce que cette dimension est évacuée du discours de la relation thérapeutique ?) ;
3/ une éducation sexuelle plus qu’indigente dans les établissements scolaires.
C’est pourquoi, il me semble très utile d’exposer rapidement cette question fondamentale et fondatrice de la psychanalyse.
On peut définir la sexualité comme l’ensemble des mouvements psychiques et des activités corporelles dynamisées par Eros, c’est-à-dire en tant que poussée vers l’union, voire la fusion. A l’origine tendance générale orientée vers le rapprochement, la pulsion sexuelle va se spécifier en fonction des aléas de l’histoire de l’enfant en rapport avec les étapes de développement de sa maturation biologique et psychoaffective.
Autrement dit, la pulsion sexuelle va acquérir des sources et des objets-buts bien précis qui conféreront à la sexualité des caractéristiques particulières, à la fois de l’individu, mais aussi générales à l’espèce humaine.
Si la pulsion sexuelle est le moteur de la sexualité, la libido en est son carburant, la quantité d’énergie en jeu, qui doit évoluer parallèlement au développement du « moteur ». C’est pourquoi on parle également d’évolution libidinale. Donc le développement psychosexuel de l’enfant l’amène à passer par diverses étapes de spécialisation de sa sexualité, pour aboutir — bien qu’imparfaitement — à la sexualité génitale. Celle-ci — souvent appelée génitalité — n’est donc qu’une des nombreuses expressions de la sexualité : cette nuance est fondamentale à comprendre car le sens commun assimile systématiquement la sexualité définie en psychanalyse à la génitalité (les détracteurs les plus mal intentionnés de Freud lui ont assez reproché de prôner l’activité génitale comme remède à toute névrose, quand ils ne le traitaient pas d’obsédé sexuel).
C’est ainsi que la sexualité en psychanalyse n’est réductible ni à l’instinct de reproduction de l’animal, ni à la génitalité (dont parlent les sexologues) qui se réduit aux activités et au plaisir liés au seul appareil génital.