Il est clair que pour être psychanalyste, il faut avoir fait sa psychanalyse pour être à même de maîtriser son contre-transfert et savoir anticiper la trajectoire de son analysant pour l’aider à épouser son désir.
1/ Le psychanalyste est celui qui au cours de sa propre analyse se découvre le désir (et les qualités d’écoute, d’humanité, de bienveillance, d’ intelligence sensible, de la capacité à l’identification transitoire, d’amour, de haine de la haine et la destruction, etc.) d’être psychanalyste. Rien ne l’empêche ensuite de suivre des séminaires, de lire abondamment, d’apprendre la théorie, bref de se cultiver et d’acquérir une connaissance dans le domaine de la psychanalyse… mais après sa psychanalyse.
2/ Le psychanalyste doit avoir une grille de lecture pour entendre quelque chose de l’analysant sans se perdre dans le serpent du récit. Il vaut mieux un bon « être analyste » avec une grille de lecture qui n’est pas forcément freudienne (Baudouin, remarquable) qu’un freudien pur et dur qui serait un psychanalyste qui n’entendrait rien et serait inexistant en séance.
Mais l’écoute. Qu’en est-il de l’écoute ?
Il paraît pertinent de se poser la question. Une telle disposition peut-elle s’apprendre ?
Je pense que non. Il s’agit à mon avis d’une sensibilité qui découle d’une gravité par rapport à la vie et d’un respect de la parole d’autrui structurée dans l’enfance en articulation à la souffrance.
Par rapport à la souffrance infantile, plusieurs stratégies sont possibles :
1/ Refouler à fond et fonctionner sur le mode de la dénégation de la souffrance et de la négativité humaine. Le symptôme permettra alors la décharge pulsionnelle.
2/ S’éteindre complètement et perdre le désir : il n’y aura plus de nécessité de décharge pulsionnelle ou alors par la voie somatique.
3/ Prendre une voie de recherche (qui n’exclue aucunement la refoulement) et développer une sensibilité particulière au monde pour tenter de résoudre et d’assainir la souffrance (l’angoisse). Le désir est violent, l’être à vif et l’écoute intense. Peut-être que « l’être analyste » s’inscrit dans cette voie.
Ainsi, « l’être psychanalyste » est un état plus qu’un métier (même s’il y a du métier à avoir), un « être-au-monde » très singulier qui se découvre effectivement au décours de sa propre analyse (c’est pourquoi la psychanalyse est la seule « formation » possible pour être analyste).
Aucun apprentissage formel et/ou universitaire ne permetra d’être analyste. Tout comme d’écrire sur l’analyse ne permetra jamais de remplacer une psychanalyse.
J’oserai une image : un manuel d’alpinisme ne permettra jamais à personne de devenir alpiniste s’il ne possède pas des prédispositions qui en passent par une pratique. Idem pour l’écrit : le meilleur écrivain-alpiniste ne pourra jamais décrire au plus juste ses vécus.
Revoir à ce propos la différence entre « la représentation de chose » et « la représentation de mot » chez Freud.
Christian Jeanclaude