RÉSUMÉ
L’angoisse pousse à des stratégies pour permettre aux pulsions inconscientes de s’exprimer. La production de symptômes est une stratégie majeure de cette fuite en avant aveugle, car, ignorée par le sujet. Donc les symptômes sont la partie visible des désirs/défenses invisibles car inconscients. Il est clair que comme tout rejetons de l’inconscient, les symptômes, s’ils sont l’expression visible des désirs/défenses inconscients, il n’est pas possible de « lire » dans ceux-ci car la déformation entre la source (inconsciente) et le résultat (conscient) est de taille.
L’auteur a choisi la métaphore des ombres (de l’angoisse) car celles-ci seraient donc la représentation dans la réalité visible des ombres portées des désirs/défenses inconscients. Ainsi les ombres de l’angoisse sont la partie visible des désirs/défenses inconscients, donc du travail de l’angoisse inconsciente qui interdit précisément la réalisation des désirs inconscients.
Ombres de l’angoisse aussi car les désirs inconscients sont dans l’ombre et s’expriment sous une forme déformée dans la réalité.
Ainsi, les ombres de l’angoisse sont pour l’essentiel les désirs camouflés qui s’expriment sous la forme de symptômes.
Cette impossibilité de réalisation du désir autrement que sous forme déformée se traduit par une peur d’être vivant et d’exister. Le sujet est aliéné comme dans un cachot dont les murs seraient les défenses contres les désirs hérissées par l’action de l’angoisse (peur, voire terreur de réaliser le désir inconscient).
Cette position psychique de fuite dans les symptômes semble facilitée dans notre monde apeurant où seul le commerce (y compris des personnes !) et la passion perverse de l’argent semblent devenir l’unique référence pour organiser notre société. Ou précisément la tendance spontanée à l’aliénation (la névrose est la pente » naturelle » de l’homme) est exploitée au profit de cette machine à fabriquer du vide qu’est le cycle infernal production-consommation.
Des formes d’angoisse de plus en plus paralysantes s’éprouvent dans notre monde technologique.
Au lieu de nier cette angoisse, ne serait-il pas plus intelligent de l’entendre et d’en traduire le message ?
C’est ce rapport du sujet à l’angoisse que l’auteur explore.
Écrit dans un style efficace, facile et pédagogique, ce livre est abordable par des lecteurs venant de divers horizons
DESCRIPTION COMPLÈTE
Commentaire sur l’argument du livre
J’aurais pu intituler mon livre » Comment l’angoisse entraîne l’être humain à se structurer des symptômes pour s’éviter d’avoir à connaître la réalité de ses désirs ? « .
» L’art du camouflage » aurait assez bien convenu aussi.
Freud disait que l’homme ferait n’importe quoi pour nier la réalité de sa sexualité. Il ne mentionnait pas l’agressivité qu’il faudrait évidemment citer pour compléter cette réflexion freudienne.
L’être humain fait effectivement n’importe quoi pour fuir ce qui l’angoisse le plus, à savoir ses désirs inconscients qu’il vit comme inavouables.
L’angoisse complètement intriquée à l’appareil psychique dès la toute petite enfance jouera chez l’adulte un rôle fondamental dans la façon qu’il aura de gérer son désir.
L’angoisse est archaïquement le témoin d’une douleur psychique liée à une montée d’excitations, puis secondairement d’une peur devant le désir (le prototype étant le désir oedipien) et toujours le signe de l’anticipation d’une perte possible.
Perte du plaisir lié à la prise en charge fusionnelle (c’est la mère qui pourvoit aux besoins pulsionnels et dispense donc du plaisir), perte de l’objet maternel (angoisse d’abandon car le bébé doit arriver à une certaine autonomie pour chercher par lui-même son plaisir), perte de l’amour de l’objet (l’angoisse de rejet apparaît quand le bébé s’aperçoit que la mère a également d’autres objets d’amour), perte du pénis (l’angoisse de castration apparaît au moment de la découverte des sexes par l’enfant), perte de l’estime du surmoi (l’image que le sujet a de lui-même risque d’être dégradée par rapport à l’idéal qu’il s’est construit et par rapport aux regards des autres, donc le milieu social).
Donc, traduit autrement, cette angoisse de la perte est une angoisse de prise d’indépendance, une angoisse de prise de risque à vivre car ces pertes devront être acceptées pour espérer une réelle assomption du sujet dont le désir est désarrimé de toutes ces emprises psychiques infantiles. Le problème de la névrose est bien l’incapacité de se détacher de ces scories infantiles qui tiennent la personne ligotée.
La pulsion (le mouvement vital) devant s’exprimer, donc le désir, sous peine de tomber malade, l’appareil psychique invente des stratégies pour permettre à l’inconscient de s’exprimer tout en évitant soigneusement de rencontrer l’angoisse qui pourrait survenir en croisant le chemin de la signification fantasmatique des désirs.
La production de symptômes est le signe de ces montages complexes aveugles (aveugles car s’opérant à l’insu du sujet).
C’est pourquoi je parle d’ombres de l’angoisse.
° Ombres parce que le symptôme permet à l’inconscient d’agir dans l’ombre en toute tranquillité en excluant toute prise de responsabilité du sujet.
° Ombres en tant qu’ombres portées de l’angoisse inconsciente sur la scène extérieure de la réalité.
° Ombres aussi parce les symptômes occultent la réalité de l’angoisse, donc du désir.
Les effets sont loin d’être négligeables car paradoxalement, bien que déguisé par le symptôme, le désir inconscient s’exprime avec plus de brutalité de cette façon que par le biais d’une sublimation, processus au cours duquel le sujet est approximativement » au courant » de ce qui se joue.
Cette question du symptôme renvoie à la question de la responsabilité.
En effet, faire le choix (inconscient évidemment) du symptôme consiste à vouloir jouir (terme plus juste que réaliser le désir) sans rien vouloir savoir sur le sens de cette jouissance. Et chercher à savoir le contenu de son désir consiste invariablement à rencontrer l’angoisse, ne serait-ce, a minima, que l’angoisse de séparation, car chercher à cerner son désir, donc penser, introduit ipso facto une séparation de l’autre. Le désir singulier de chacun n’est jamais superposable à celui du voisin ; vouloir assumer sa vérité implique obligatoirement d’être seul (incroyablement seul) avec son désir.
Lorsque ce mécanisme de la formation de symptôme touche au collectif, le problème de cette responsabilité prend des proportions importantes.
En effet lorsque la complicité entre les désirs déguisés du discours dominant (idéologie telle que celle véhiculée par la publicité consumériste, responsables économiques, politiques, spirituels, etc.) et les désirs déguisés de la population prend en masse, tout devient possible jusqu’aux pires horreurs. La déresponsabilisation et l’infantilisation de la grande masse sont renforcées et elle va se sentir totalement amendée de laisser libre cours à ses désirs les plus inavouables sous forme de symptômes.
Très proches de nous, nous avons par exemple vu en ex-Yougoslavie des snippers tuer des enfants, des femmes et des vieillards dans les rues pour la » bonne cause » de la purification ethnique. Il a suffi qu’un chef criminel promulgue le concept de purification ethnique et le prenne sur les épaules pour que des individus, pour beaucoup probablement des » braves types » avant la guerre, mettent à profit cette situation pour assouvir leur désir criminel sous prétexte de se battre pour la patrie (le symptôme est ici ce mensonge auquel croit le sujet ; sans cette duperie de lui-même, on ne parlerait pas de symptômes mais de perversion, autre duperie mais organisée différemment).
Ce mensonge (ne rien vouloir savoir du désir et de l’angoisse associée), à la fois fondateur de l’inconscient et parallèlement aliénant le sujet, que la psychanalyse tente de comprendre, semble de plus en plus actif dans notre monde où seul le commerce (des biens et des personnes) et la passion perverse pour l’argent semblent devenir l’unique référence pour le plus grand nombre.
Le déni de l’inconscient accélère la perte de substance humaine (de l’âme) en préparant un avenir (en construisant un présent ?) de l’humanité particulièrement inquiétant.
Déni pour s’éviter la blessure d’orgueil insupportable que si peu de notre vie nous maîtrisons.
Être capable de repérer son désir (ou de simplement reconnaître sa réalité) et de le gérer au mieux me paraît être déjà une immense gageure. Il est évident dans ce cas qu’au préalable, il faille admettre que nous ne sommes pas maîtres de notre désir, mais seulement le dépositaire et, au mieux, le gestionnaire. Admettre la réalité de l’inconscient n’est pas autre chose.
Que penser alors de la folie de la maîtrise des événements qui animent notre monde contemporain ! Plus on veut maîtriser, plus ça échappe. Les États-Unis, champion en la matière, sont la preuve expérimentale de l’échec de cette conception défensive de l’homme (qu’il aurait prise sur sa conduite). Ne citons qu’un exemple avec la tentative américaine de plus en plus délirante de contrôler la diététique de ses concitoyens. Plus les programmes contre l’obésité se multiplient, plus il y a d’obèses (essentiellement chez les pauvres). Or l’obésité, dans beaucoup de culture, est signe de prospérité. Jamais s’est-on demandé pourquoi ce sont les plus démunis qui sont préférentiellement obèses ? Que leur restent-ils d’autres pour exister que de s’identifier à cette représentation de la prospérité dans une société par ailleurs elle-même » obèse » (surabondance des biens de consommation) qui méprise l’individu au profit du collectif en le rendant totalement indigent d’un point de vue culturel, en le crétinisant pour qu’il soit une meilleure proie des publicitaires, donc ici des industries agro-alimentaires.
» Prenez-vous en charge, maîtrisez votre vie » disent ceux qui savent (les dirigeants de toute obédience), alléguant que la pléthore de choix dans notre société permettrait à chacun de mieux trouver sa place alors que le quadrillage idéologique et consumériste interdit de plus en plus au sujet d’exister sinon en se coulant dans les identifications collectives. Discours cruel pour ceux qui n’ont aucun moyen (économique mais surtout intellectuel) de choisir sinon d’être ballottés et pris en otage par le discours dominant.
Évidemment, malgré cette énorme forteresse défensive que constitue le discours contemporain, l’angoisse s’éprouve chez de plus en plus de personnes.
Au lieu de nier cette angoisse en l’étouffant, ne serait-il pas plus intelligent de » l’écouter » et d’en traduire le message pour un mieux-être à la fois individuel et collectif ?
Cette nécessité de mieux-être n’est même plus une question d’éthique ou d’humanisme mais bien d’intelligence car les effets de la méconnaissance de l’inconscient, outre d’induire individuellement des souffrances chez la personne, a des effets collectifs dévastateurs sur notre planète, donc sur le l’écosystème qui nous abrite et nous fait vivre.
Christian JEANCLAUDE,
auteur
Schéma résumant le point nodal du livre
Quatrième de couverture
L’auteur élargit dans cet ouvrage son exploration de l’angoisse, commencée dans une précédente étude, Freud et la question de l’angoisse (De Boeck, 2003), en mettant à jour les effets de (’angoisse dans la fabrication de symptômes et les impasses vitales ainsi crées, qui se traduisent par une peur d’être vivant. Les ombres de l’angoisse sont pour l’essentiel les désirs camouflés qui s’expriment sous la forme de symptômes.
La fuite vers les ombres, vaine tentative pour échapper au désir dans l’espoir de se soustraire à l’angoisse, est un marché de dupes. Il s’agit en effet de s’interroger sur le prix exorbitant à payer pour ce leurre, qui n’est ni plus ni moins qu’un renoncement à être.
Cette peur inconsciente d’exister est favorisée par notre monde de compétition sévère où seul le commerce (y compris des personnes !) et la passion perverse pour l’argent semblent être les références d’organisation de notre société. Où précisément la tendance spontanée de l’être humain à l’aliénation – la fuite devant l’angoisse, donc la névrose, est la pente naturelle de l’homme – est exploitée au profit de cette machine insensée à fabriquer du vide qu’est le cycle production- consommation.
Des formes d’angoisse de plus en plus paralysantes s’éprouvent dans notre monde technologique. Au lieu de nier cette angoisse, ne serait-il pas plus intelligent de l’entendre et d’en traduire le message ?
Ce livre, écrit dans un style efficace et d’une lecture aisée, intéressera les psychanalystes, psychiatres, psychologues, ainsi que tout professionnel de la relation. Il s’adresse également à un public plus large, qui se sent concerné par les débats de société.
CRITIQUE de René Desgroseillers sur le site « La psychanalyse » (fermé depuis 2006, voir les liens ou j’ai réussi à récupérer le site tel qu’en 2000).
Ce site est sous la direction de René DesGroseillers. Membre de la Société Psychanalytique de Montréal et de l’Association Psychanalytique Internationale.
La psychanalyse — Le bouquineur
Critique Les ombres de l’angoisse. La peur d’être vivant, Bruxelles, Paris, De Boeck, 154 pages, par Christian Jeanclaude
Christian Jeanclaude avait créé une surprise (agréable faut-il le rappeler) en publiant Freud et la question de l’angoisse en 2003. Il offre maintenant au lecteur un livre qui constitue une sorte de suite à cette oeuvre théorique. Dans Les ombres de l’angoisse, l’auteur s’attache plus directement à la question clinique du rôle de l’angoisse dans la formation des symptômes, ou plus précisément, des destins de l’angoisse dans la vie quotidienne. Il n’hésite pas à confronter sa pensée aux divers aspects de la réalité clinique et à la vie quotidienne. Le résultat de l’exercice est intéressant et riche d’enseignements.
L’écriture de Christian Jeanclaude est simple, efficace et agréable, laissant surtout s’exprimer ses idées sans les artifices souvent trompeurs d’un style hermétique. Il est difficile de prévoir le sort que réservera l’avenir aux idées qu’il a élaborées. L’angoisse est un sujet complexe sur lequel tous ne s’entendent pas. Il est douteux de penser qu’un auteur pourra faire l’unanimité. Jusqu’ici, l’accueil réservé aux travaux de Christian Jeanclaude est toutefois plutôt favorable.
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Site critiques libres
http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/27013
Site passiondulivre.com :
http://www.passiondulivre.com/livre-66067-les-ombres-de-l-angoisse-la-peur-d-etre-vivant.htm
Site Critiques libres :
http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/27013
Site Oedipe :
http://www.oedipe.org/fr/mode=search/livres/detail?author=jeanclaude&id=369&title=
Site de l’éditeur :
http://superieur.deboeck.com/titres/27541_3/les-ombres-de-l-angoisse.html
Site de l’éditeur en anglais :
http://foreignrights.deboeck.com/titres/27541_/les-ombres-de-l-angoisse.html
Site du Bulletin international de l’édition française (BIEF) :
http://www.bief.org/Livres/Livre.aspx?opeId=3116&livId=169430
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