Christian Jeanclaude
Psychanalyste depuis plus de 25 ans, avec des périodes d’interruption consacrées à l’écriture (à ce jour, 3 livres et un opuscule ont été publiés ainsi que beaucoup d’articles), j’ai toujours pratiqué la psychanalyse dans l’Est de la France (Obernai, Colmar, Strasbourg : voir les articles de presse).
Ma référence, comme base psychanalytique d’interprétation de la parole du patient, est d’abord freudienne. [1]
Je tiens également beaucoup à la dimension humaniste apportée par Sándor Ferenczi (1873-1933) dans sa pratique de la psychanalyse. [2]
C’est-à-dire que je stimule la mise en conscience par la remémoration de l’histoire de la personne qui l’amène à une prise de conscience des évènements et/ou fantasmes blessants de la vie, en particulier en rapport avec l’enfance. [3] Il va de soi je tiens pour très important le repérage des signatures inconscientes originelles intimement liées au maillage du discours et des manifestations comportementales et corporelles que je traduis à l’analysant en termes intelligibles. Freud, quand il définit les bases de la théorie psychanalytique, désignait ses manifestations parfois très fugaces de l’inconscient par les rêves, les lapsus, les actes manqués et les symptômes.
A partir de cette mise en évidence des origines de la douleur de vivre (et des symptômes qui l’accompagnent), et ceci est essentiel pour espérer obtenir des guérisons, un travail intense de mise à jour de ce qui du passé infiltre le présent est élaboré (c’est le propre de la névrose, de la douleur psychique). Dans ce sens, les interventions en psychanalyse ne sont sont pas uniquement étiologiques mais portent sur tout morceau de discours apporté par l’analysant(e) pour autant qu’il permettent de dénouer ce qui s’est tissé inadéquatement pendant l’évolution du sujet : dit autrement la passé infiltrant de toute façon le présent dans ses manifestations psychiques, il est parfaitement inutile de s’arcquebouter uniquement sur l’enfance.
Le fameux transfert en psychanalyse n’est donc pas une simple répétition de la projection des sentiments [4] sur la personne du psychanalyste que l’enfant a construit à l’égard des parents, des frères et sœurs et toutes les personnes qui l’entouraient, mais aussi une nouvelle expérience relationnelle [5] pour déclencher des changements, des mutations profondes et aboutir à un épanouissement et un mieux-être ainsi qu’une guérison de beaucoup de symptômes.
Le travail psychanalytique consiste finalement à quitter son passé pour accéder au présent, à le transformer en souvenirs vidés d’émotions gênantes et blessantes afin de pouvoir vivre au présent et d’avoir une meilleure qualité de vie (si possible d’éradiquer les symptômes et de diminuer le niveau d’angoisse).
Je pratique cette cure par la parole [6] en sécurisant le travail par l’application de la règle fondamentale, soit l’association de la libre parole d’un côté (celui du patient) possible par l’attention flottante, l’absence de jugement (je préfère cette formulation à celle de neutralité à mon avis impossible à tenir), une bienveillance, et une humanité fruit d’une mise en mouvement psychique permanente. [7]
Je voudrais préciser que je suis un psychanalyste plutôt actif.
Je suis convaincu qu’il est toxique de laisser une personne en souffrance chercher désespérément par lui-même, [8] souvent en vain, des éléments de lumière sur sa douleur d’être, même éclairés par des interventions. [9] En tant que psychanalyste, je suis aussi très présent en aidant, prenant soin (to care), respectant profondément, au besoin en proposant et en suggérant, seulement et seulement si nécessaire, des situations de la réalité mieux appropriées à la résolution de la souffrance psychique. [10]
Finalement, ma pratique de la psychanalyse se base sur l’existence de l’inconscient [11], sur la réalité du désir et de l’angoisse, sur la réalité du transfert comme outil thérapeutique. [12]
- Christian Jeanclaude
- 67000 Strasbourg
- 03.88.24.58.72.
- c_j@orange.fr
[1] Voir l’article « La psychanalyse est-elle un métier (au sens où on l’apprend) ? »
[2] Vladimir Granoff, qui fit connaître Ferenczi en France (1958) et s’en inspira dans ses propres travaux, met en évidence les croisements entre les difficultés personnelles de Ferenczi et sa pratique et les effets dans ses conceptions de la psychanalyse par rapport à Freud. Granoff écrit : « Pour Ferenczi, Der Artz, le médecin, comme pour Freud, pouvait-il ne pas soulager la souffrance, car contrairement à Freud, il l’avait lui et dans son enfance connue. Le contraste entre l’enfance du fils premier et préféré d’une mère aimante et celle d’un enfant perdu dans le tohu-bohu d’une librairie gérée notamment par une mère sans égard ni tendresse pour l’enfant, est trop connu pour que l’on y revienne ici. » Et encore du même auteur : « Toute l’actualité de Ferenczi a cet axe pour pivot. Guérir ou renonçant à guérir, chercher quelque autre façon de maintenir sa pratique. “Apprendre et gagner un peu d’argent”, vieille formulation d’un Freud résigné dans une cure sans espoir, n’est pour de multiples raisons plus une position tenable » dans la préface de Wladimir Granoff dans Les écrits de Budapest par Sándor Ferenczi, op. cit., pp. 12-13.
[3] Remémoration, mise en conscience, abréaction, prise de conscience, perlaboration, élaboration, construction.
[4] Des représentations, des affects, des fantasmes.
[5] Tranféro-contre-transférentielle.
[6] Talking cure ou chimney sweeping, soit le ramonage de cheminée nommé ainsi par Anna O.
[7] Ce travail que doit faire le psychanalyste consiste à un examen constant du contre-transfert afin d’éviter des artéfacts dans la cure analytique, afin d’éviter d’influencer l’analysant(e) en négligeant son propre désir, afin d’éviter de nier la pente « naturelle » qui le conduit à son épanouissement. Ce travail est très important pour diminuer au maximum la tache aveugle du psychanalyste, cette partie de son psychisme incapable de « voir » certains éléments de la psyché de son(sa) patient(e).
[8] Pour ne pas dire que c’est en fait plutôt cruel.
[9] Il ne s’agit évidemment pas d’un art divinatoire : les interprétations ne sont que la reprise d’éléments du discours de l’analysant(e).
[10] Dans ce sens, je me considère proche de la conception freudienne de la position du psychanalyste : « Mettons-nous rapidement d’accord sur ce qu’il faut comprendre par cette activité. Nous avons cerné notre tâche thérapeutique au moyen de ces deux contenus : rendre conscient le refoulé et mettre à découvert les résistances. Ce faisant, nous ne sommes certes pas peu actifs. Mais devons-nous nous en remettre au malade pour venir tout seul à bout des résistances qu’on lui fait voir ? Ne pouvons-nous ici lui apporter aucune aide que celle qu’il doit à l’impulsion du transfert ? Ne sommes-nous pas au contraire portés à l’aider en le mettant dans la situation psychique qui est précisément la plus favorable à la liquidation souhaitée du conflit ? Sa performance est pourtant dépendante d’un grand nombre de circonstances extérieures formant constellation. Devons-nous alors avoir scrupule à modifier adéquatement cette constellation par notre intervention ? J’estime qu’une telle activité …/… est irréprochable et parfaitement justifiée. »
Sigmund Freud, OCF.P, XV,
Paris, PUF, 1996, p. 102.
[11] Primat de l’inconscient comme catalyseur de toute conduite humaine.
[12] Je me sens à distance de la caricature du psychanalyste (en souhaitant qu’il s’agisse bien d’une caricature) figé dans son fauteuil à l’affût du bon lapsus, du bon rêve, de la bonne association de l’analysant(e).